dimanche 23 novembre 2014


Babel 
(Livre de la Genèse 11,1-9)

Tous, ils n'avaient qu'une seule idée en tête : construire. Que reste enfin sur cette terre étrange une trace de leur passage, une tour qui les place à hauteur de ciel. Et même ceux qui hésitaient furent embarqués dans l'immense chantier. Comme les autres, ils devinrent fourmis. Femmes et enfants n'échappèrent pas à la folle allure qui tous les prenaient, comme un seul homme. Et quand il n'y a plus qu'un seul homme, pourquoi parler encore, pourquoi penser encore ? 
Mais lui, le Dieu méconnu, ne se sentait pas menacé par cette construction. Vue du ciel... Ce qu'il redoutait, c'était les conséquences pour eux, les habitants de la terre : une parole uniforme et fade, un travail mécaniste qui ne donne pas à chacun la clé de sa propre vie, les fondant tous dans une seule visée, sur un seul lieu. Son sang ne fit qu'un tour, il descendit, se souvenant avec nostalgie de sa première visite sur terre, en Eden, à la brise d'un soir... Et là, il chavira leur édifice de mortes-paroles, dispersant les humains sur toute la terre afin qu'ils retrouvent le plaisir oublié de se rendre visite les uns les autres. Et depuis, les voilà qui essaient de partager leurs histoires, leurs idées et leurs questions, décryptant leurs langages respectifs, découvrant qu'ils sont bien plus riches et nuancés que ne le laissent entendre leurs dictionnaires. 
La tour est restée, sentinelle pour les siècles, et avec elle les deux questions qui se posent aux humains : comment vivre ensemble sur la terre ? comment se tourner vers le ciel ? A la page suivante, Abram entre en scène. Il se lève et les prend avec lui, devinant confusément qu'elles n'en font sans doute qu'une. 
L'histoire est ouverte.