dimanche 22 février 2015


Outre divine


Psaume 56. Un ennemi surgit, puis d'autres, et le filet se resserre, jusqu'à risquer de perdre le souffle, et la vie. Mais Dieu est là, et il fait sortir de la peur. Sur cette trame, se pose un verset :

"Tu as compté mes pas de vagabond,
dans ton outre recueille mes larmes
Ne sont-elles pas écrites dans ton Livre ?"  
(Ps 56,9)
L'outre de Dieu, pleine des larmes du Psalmiste qui se confie en Lui, de tous les psalmistes de tous les temps et par toute la terre, comment l'imaginer ? On reste sans voix devant cette étrange jarre, contours de l'immense sollicitude de Dieu devant qui rien n'est perdu, oublié, gommé, au sein de laquelle toute larme trouve sa place. Et l'on peine à deviner la mesure de cette divine poterie.
Mais allons un peu plus avant dans les sonorités hébraïques de ce verset : le mot employé pour dire l'errance, ou le vagabond, est "nod". L'outre, quand à elle, se dit "no'd". Entre les deux, un aleph de différence. Première lettre de l'alphabet hébreu, lettre silencieuse qui ne se prononce que par la voyelle qui lui est adjointe. Silence de l'âme ouverte, par la peine traversée, de l'oreille creusée, du souffle suspendu..? Dans la mystique juive, le aleph évoque aussi Dieu Lui-même. Symbolisme des lettres qui relaie le mouvement du psaume : entre l'errance et une histoire qui retrouve un sens, une Présence qui accueille. Le psaume bascule alors vers la confiance.
Aux bornes de ce verset, deux mots dont la racine est commune. Le premier signifie le fait de compter, le deuxième désigne le livre. Voilà donc nos pas comptés, nos larmes inscrites sur les pages du livre divin. Non plus erratiques, absurdes, perdues dans la friche du non-sens, mais recueillies dans Son journal intime enluminé de nos histoires, des pages où cheminer dans la lumière des vivants.