"Ton peuple sera mon peuple..."
"Ton peuple sera mon peuple..."
Livre de Ruth
(et allusions à Gn 12,1; Ex 19,4; Dt 32,11; Ps 91,4)
Deux femmes sur le chemin.
L'une âgée, l'autre jeune. La première s'en revient au pays après l'avoir
quitté dix ans auparavant pour cause de famine. L'autre, sa belle-fille, l'accompagne,
laissant à son tour son pays, Moab. Noémie et Ruth. Deux femmes veuves et sans
enfants. Famine, exils, deuils, solitude et absence d'avenir... voilà ce qui
mène Noémie à se lamenter : "Appelez-moi Mara car Dieu m'a rendue amère à l'extrême. C’est comblée que j’étais partie, et
vide me fait revenir le Seigneur." Quelques versets avant, elle avait déjà
crié sa désolation et son découragement : "Pour moi l’amertume est extrême (...) contre moi s’est
manifestée la main du Seigneur"
Et les voilà maintenant entre
deux terres, Moab et Bethléem, entre les broussailles de ces deux plaintes
de Noémie. Ruth, pourtant, est restée à ses côtés. Et son chant rythme le chemin :
de retourner loin de
toi ;
Où tu iras j’irai,
et où tu passeras la nuit je la passerai ;
ton peuple sera mon peuple
et ton Dieu mon Dieu ;
et ton Dieu mon Dieu ;
où tu mourras je mourrai, et là je serai enterrée.
Le Seigneur me fasse ainsi et plus encore si ce
n’est pas la mort qui nous sépare ! »
Les épines de Noémie ont
laissé des traces : Ruth évoque la mort, même si c'est pour dire sa fidélité
inconditionnelle. Mais sa voix, de plus en plus assurée, défie à chaque pas le
malheur. D'où
lui vient cet allant, cette confiance, cette joie mystérieuse ? De l'insouciance de la jeunesse ? De
l'affection qu'elle porte à sa belle-mère ? D'un autre chant aussi, plus
profond, qui se lève en elle ? Enigme de cette déclaration qui n'est pas dite à
la légère... L'histoire nous montrera comment elle sera suivie de vie en
profusion.
"Ton peuple sera mon peuple..."
Ce départ ressemble
étrangement à une autre mise en route, celle par laquelle tout a commencé pour
Israël. C'est ce que lui dira Booz, l'homme juste rencontré à Bethléem : "On m'a raconté tout ce que tu as fait pour
ta belle-mère depuis la mort de ton mari et comment tu as abandonné ton père,
ta mère et le pays de tes origines pour aller vers un peuple que tu ne
connaissais pas". Un autre avant elle était parti "de son pays, et de
la maison de son père pour un pays qu'il ne connaissait pas et que Dieu
lui ferait voir" : Abraham, le
premier des Patriarches.
Comme si cela n'était pas
assez, Booz continue : "Que le Seigneur
te rende ce que tu as fait ! Que ta récompense soit complète de la part du
Seigneur, le Dieu d'Israël, sous les ailes de qui tu es venue chercher un
abri !". Cette expression "sous les ailes du Seigneur" résonne
fortement dans la mémoire d'un fils d'Israël. Elle évoque le Dieu refuge pour
son peuple. "Sous ses ailes tu te
réfugies" chante le psalmiste, reprenant les mêmes mots,
comme en écho à la confiance des pères dans leur traversée du désert.
Une jeune veuve étrangère
comparée au premier des Patriarches ?
Une
fille de Moab venue se poser sous les ailes du Seigneur comme le peuple en ses
commencements ?
Sous les apparences d'une
jolie petite romance, le livre de Ruth dessine peu à peu le portrait de cette femme étrangère qui revit en quelque sorte, dans le quotidien de sa vie, les instants fondateurs du peuple avec
qui Dieu a fait alliance.
Mais ce n'est pas tout... Dans le livre de Ruth les
glanages sont fructueux : la moisson est abondante encore. A suivre, donc...