samedi 12 septembre 2015


"Ton peuple sera mon peuple..."

Livre de Ruth

(et allusions à Gn 12,1; Ex 19,4; Dt 32,11; Ps 91,4)


Deux femmes sur le chemin. L'une âgée, l'autre jeune. La première s'en revient au pays après l'avoir quitté dix ans auparavant pour cause de famine. L'autre, sa belle-fille, l'accompagne, laissant à son tour son pays, Moab. Noémie et Ruth. Deux femmes veuves et sans enfants. Famine, exils, deuils, solitude et absence d'avenir... voilà ce qui mène Noémie à se lamenter "Appelez-moi Mara car Dieu m'a rendue amère à l'extrême. C’est comblée que j’étais partie, et vide me fait revenir le Seigneur." Quelques versets avant, elle avait déjà crié sa désolation et son découragement : "Pour moi l’amertume est extrême (...) contre moi s’est manifestée la main du Seigneur"

Et les voilà maintenant entre deux terres, Moab et Bethléem, entre les broussailles de ces deux plaintes de Noémie. Ruth, pourtant, est restée à ses côtés.  Et son chant rythme le chemin :

"Ne me presse pas de t’abandonner, 
de retourner loin de toi ;
Où tu iras j’irai,
et où tu passeras la nuit je la passerai ;
ton peuple sera mon peuple 
et ton Dieu mon Dieu ;
où tu mourras je mourrai, et là je serai enterrée.
Le Seigneur me fasse ainsi et plus encore si ce n’est pas la mort qui nous sépare ! »

Les épines de Noémie ont laissé des traces : Ruth évoque la mort, même si c'est pour dire sa fidélité inconditionnelle. Mais sa voix, de plus en plus assurée, défie à chaque pas le malheur. D'où lui vient cet allant, cette confiance, cette joie mystérieuse ? De l'insouciance de la jeunesse ? De l'affection qu'elle porte à sa belle-mère ? D'un autre chant aussi, plus profond, qui se lève en elle ? Enigme de cette déclaration qui n'est pas dite à la légère... L'histoire nous montrera comment elle sera suivie de vie en profusion.  

"Ton peuple sera mon peuple..."
Ce départ ressemble étrangement à une autre mise en route, celle par laquelle tout a commencé pour Israël. C'est ce que lui dira Booz, l'homme juste rencontré à Bethléem : "On m'a raconté tout ce que tu as fait pour ta belle-mère depuis la mort de ton mari et comment tu as abandonné ton père, ta mère et le pays de tes origines pour aller vers un peuple que tu ne connaissais pas". Un autre avant elle était parti "de son pays, et de la maison de son père pour un pays qu'il ne connaissait pas et que Dieu lui ferait voir" : Abraham, le premier des Patriarches.

Comme si cela n'était pas assez, Booz continue : "Que le Seigneur te rende ce que tu as fait ! Que ta récompense soit complète de la part du Seigneur, le Dieu d'Israël, sous les ailes de qui tu es venue chercher un abri !". Cette expression "sous les ailes du Seigneur" résonne fortement dans la mémoire d'un fils d'Israël. Elle évoque le Dieu refuge pour son peuple. "Sous ses ailes tu te réfugies" chante le psalmiste, reprenant les mêmes mots, comme en écho à la confiance des pères dans leur traversée du désert.

Une jeune veuve étrangère comparée au premier des Patriarches ?
Une fille de Moab venue se poser sous les ailes du Seigneur comme le peuple en ses commencements ?
Sous les apparences d'une jolie petite romance, le livre de Ruth dessine peu à peu le portrait de cette femme étrangère qui revit en quelque sorte, dans le quotidien de sa vie, les instants fondateurs du peuple avec qui Dieu a fait alliance.

Mais ce n'est pas tout... Dans le livre de Ruth les glanages sont fructueux : la moisson est abondante encore. A suivre, donc...