dimanche 18 janvier 2015



Frères, vraiment.

Les histoires de frères balisent le premier livre de la Bible, la Genèse. Caïn et Abel, Jacob et Esaü, Joseph et  ses frères... Des histoires dûment répertoriées, qui habitent nos mémoires, nos livres et nos musées.
Mais il en est d'autres plus cachées, qui demandent au lecteur la même attention que celle qui permet à un compagnon de devenir un frère.
C'est au chapitre 13 de la Genèse. Abram et Loth cheminent ensemble. Loth est le neveu d'Abram, lien familial plusieurs fois rappelé dans ces chapitres.
Mais à trois reprises, Loth est présenté explicitement comme frère d'Abram. Non pas "parent" comme le proposent certains traducteurs visiblement gênés par cette soudaine proximité, mais frère, vraiment frère.
La première arrive dans un contexte tendu : Abram et Loth sont devenus riches, leurs gens nombreux. Le texte dit avec la sobre lucidité qui est la sienne : "Le pays n'assura pas les besoins de leur vie commune, car leurs biens étaient trop considérables pour qu'ils puissent vivre ensemble." Suite à des disputes entre leurs bergers, Abram prend l'initiative et dit à son neveu : « Qu'il n'y ait pas de querelle entre moi et toi, mes bergers et les tiens : nous sommes frères." Il lui propose alors la séparation de leurs routes, lui offrant de choisir le territoire qui sera le sien : " Si tu prends le nord, j'irai au sud ; si c'est le sud, j'irai au nord."
Au chapitre suivant, surgissent quatre rois en guerre. "Ils prirent Loth, le neveu d'Abram, avec ses biens. (...) Dès que celui-ci apprit la capture de son frère, il mit sur pied trois cent dix-huit de ses vassaux (...) et mena la poursuite jusqu'à Dan. Il répartit ses hommes pour assaillir de nuit les ennemis. Il les battit et les poursuivit jusqu'à Hova (...). Il ramena tous les biens, il ramena aussi son frère Loth et ses biens (...)."  C'est quand Abram apprend ce qui menace son neveu Loth, que celui-ci redevient  "frère". 
Voilà comment s'y prend le texte biblique : il glisse ce mot dans le récit, l'air de rien, lorsque celui-ci est clairement mis en actes, au cœur de situations difficiles. Quittant la grand‘route des affirmations de principe, des rêves généreux mais lointains, il suit les chemins escarpés de ceux qui donnent à ce beau mot de "frères" toute sa densité, sa gravité. Tout son poids, c'est-à-dire, en langue hébraïque, sa gloire.  

jeudi 1 janvier 2015



Heureux l'homme !




Heureux l’homme
qui ne prend pas le parti des méchants,
ne s’arrête pas sur le chemin des pécheurs 
et ne s’assied pas au banc des moqueurs,
mais qui se plaît à la Torah du Seigneur
et médite sa Torah jour et nuit !

Il est comme un arbre planté près des ruisseaux :
il donne son fruit en sa saison
et son feuillage ne se flétrit pas ; 
 tout ce qu’il fait réussit.

Psaume 1,1-3




L'image est connue, paisible, souveraine : un arbre au bord d'un cours d'eau qui porte feuillages et fruits en abondance. Elle ouvre le livre des Psaumes, invitation à se poser sous son ombre immense. On devine l'enracinement auprès des eaux de vie, la pause quotidienne et silencieuse, la parole murmurée, méditée. La sagesse, le silence, la patience, l'amoureux dialogue intérieur. 
Jérémie déjà avait trouvé cet arbre, son arbre. Son texte apporte une précision : un verbe est caché dans la terre, mêlé aux racines.  Celui qui fait confiance au Seigneur "est comme un arbre planté près des eaux, qui étend ses racines vers le cours d'eau". Certaines traductions proposent : "qui pousse ses racines". Le verbe hébreu ici employé est aussi souvent traduit par "envoyer". On entend l'énergie, la volonté. L'intuition d'un travail actif bien que souterrain; d'une force  secrète, cachée... et qui n'a pas fini de surprendre par ses fruits.

Béni soit l'homme qui met sa confiance dans le Seigneur
celui dont le Seigneur est l'assurance ! 
Il est comme un arbre planté près des eaux, 
qui pousse ses racines vers le cours d'eau : 
il ne voit pas venir la chaleur 
et son feuillage reste verdoyant ; 
dans l'année de la sécheresse, 
il est sans inquiétude
 et il ne cesse de porter du fruit.
Jérémie 17, 7-8