"Car sa pensée est plus vaste que l'océan"
Livre du Siracide (ou "Ecclésiastique"), chapitre 24 (à lire absolument !)
Au beau milieu du livre du
Siracide, si plein de sages conseils pour la vie quotidienne, surgit un poème,
un chant inattendu. Ben Sirac, l'auteur du livre, s'efface et laisse la parole
à Dame Sagesse. Venant du Trés-Haut, la sagesse, mystérieusement médiatrice entre les
univers divin et humain, est en effet souvent personnifiée dans les livres
de sagesse. Présente dans le jeu, la gratuité et la joie comme dans le livre
des Proverbes (8,30-31); dans l'abondance et la beauté de la Création selon ce
chapitre 24 du Siracide.
Ici, la Sagesse, mouvante et
fluide, voyage d'abord entre les étoiles avant de chercher où habiter sur terre.
Elle la parcourt et semble la couver. Puis trouve abri sous une toile de tente
en plein cœur de Jérusalem : le Temple et ses parfums sont pour elle un univers
familier où il fera bon vivre. Et quand elle déclare s'enraciner dans cette
ville, cette terre, ce peuple, ce sont les arbres des quatre coins de la Terre
Sainte qui sont convoqués pour dire la jubilation et la fécondité de sa
croissance : cèdre, cyprès, olivier, laurier-rose... Seule la Création semble
au diapason de la joie ressentie, sa beauté et sa profusion participent à la célébration
du grand mystère de cette Vie venue de Dieu.
Après une bonne vingtaine de
versets où la Sagesse se donne ainsi, à la fois cosmique et intime, à tous ceux
qui ont faim et soif d'elle, à tous ceux dont le désir de vie jamais n'est
comblé, Ben Sira reprend la parole : vous avez été émerveillés, bousculés, un
peu perdus dans cette avalanche d'images, de parfums, de sensations ? Et bien,
tout cela ce n'est rien d'autre que le livre de l'Alliance, la Loi donnée par
Moïse. Comprenne qui pourra.
En plus des arbres, fruits,
pierres précieuses et parfums, voici maintenant des fleuves abondants et généreux.
Ceux du Paradis, qui portent en eux la saveur du premier jardin (Gn 2, 10-14) et deux autres chargés de l'histoire du peuple d'Israël : le Jourdain et le Nil.
Histoire douloureuse, histoire de salut, histoire avec Dieu, là encore, pas à
pas.
Ben Sirac pourrait se sentir
tout petit devant cette profusion, mais il se découvre lui-même comme un canal,
issu d'un fleuve, comme un cours d'eau venant du/au paradis. Le voilà à même de
bien s'occuper de son jardin, le petit bout de terre à lui confié. Mais il n'est pas au bout de ses
surprises, car le voici à présent emporté à son tour par le mouvement de plénitude et
d'abondance qui irrigue tout le discours de Dame Sagesse. Il ne peut alors que
constater : "Et voici que mon canal
est devenu fleuve et mon fleuve est devenu mer". Plus rien alors ne
l'arrête dans la transmission de cette lumière venue du premier jour, de l'eau
qui désaltère, de la Parole qui
donne Vie.
Et moi, j’étais comme un canal qui dérive d’un fleuve,
comme un aqueduc entrant dans un jardin.
Je me suis dit : « Je vais arroser mon jardin, je vais
inonder mon parterre. »
Et voici que mon canal est devenu un fleuve
et que mon fleuve est devenu une mer.
et que mon fleuve est devenu une mer.
Je vais encore faire briller l’instruction comme l’aurore, et au loin
diffuser sa lumière.
Je vais encore répandre
l’enseignement comme une prophétie et le léguer aux générations futures.
Voyez, ce n’est pas pour moi seul que j’ai peiné, mais pour tous ceux qui cherchent la sagesse.
Voyez, ce n’est pas pour moi seul que j’ai peiné, mais pour tous ceux qui cherchent la sagesse.
Siracide 24, 30-34
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